Giochi dell'Oca e di percorso
(by Luigi Ciompi & Adrian Seville)
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"L’ Histoire de France racontée par le jeu de l’oie. Introdution"
Autore: Girard&Quetel 
Pour demeurer récréatif et populaire, le jeu de l’oie n’en a pas moins été saisi très tot par le démon d’une pédagogie solidement étayée de propagande, à commencer par celle de l’Histoire du royaume. L’Histoire de France enseignée sur les cases d’un jeu de l’oie avait en effet un tout autre attrait que celle dont il fallait déchiffrer les épisodes dans les opuscules ennuyeux du Père Anselme. De ce type sont les nombreux "jeux de l’Histoire de France" où chaque grand règne s’inscrit dans une case avec une légende dont la naiveté nest parfois qu’apparente. Hormis quelques jeux, telle "Jeu chronologique" édité en 1638 qui se préoccupe de partir de la création d’Adam, l’ordre est immuable, de Pharamond 1er, grand roi franc et père présomptif de la loi salique, et de Clovis, premier roi chrétien (quand on ne le voit pas sur son pavois, on le voit en train d’etre baptisé par saint Rémi), jusqu’à la case d’arrivée où trone en apothéose le souverain de l’époque. On voit ainsi se succéder des jeux où aboutissent triomphalement Louis XIV "Le Grand", puis Louis XV "Le Bien-Aimé" qui fait ainsi rétrograder son prédécesseur à la case 62. Du coup, c’est un roi mérovingien, un quelconque fils ou petit-fils de Clovis, qui disparait, et on se doute que le choix de ces disparitions n’est pas innocent, tout comme celui des commentaires sur chaque règne qui peuvent varier en fonction de la conjoncture politique du moment. Il y a aussi les rois toujours mal vus, à commencer par Louis XI dont l’Académie des jeux historiques contenant les jeux de l’Histoire de France, de l’Histoire romaine, de la fable, du blason et de la géographie, et les règles pour y jouer, parue en 1718, dresse ce sombre portrait: "Il institua l’Ordre de Saint-Michel et fit mourir plusieurs personnes de considération qui balançaient son autorité. Ce prince, dit l’Histoire, fut mauvais fils, mauvais père, mari infidèle, frère injuste, maitre ingrat et ami dangereux." Le voici par exemple, ce sinistre Louis XI, sur un jeu de l’oie de l’Histoire de France édité en 1837, en train de se livrer à son activité politique réputée favorite, faisant exécuter le Comte de Nemours: "Ses deux fils placés sous l’échafaud sont couverts du sang de leur père", précise la légende. Bien entendu, le manuel d’Histoire de France à l’usage des écoles primaires, ce fameux petit Lavisse de notre enfance, ne brosse pas de Louis XI un portrait plus flatteur: "Il était laid et mal fait; son nez était énorme et ses jambes greles. Il s’habillait mal et se coiffait d’un vilain chapeau mou". Voilà pour l’apparence extérieure. Mais l’intérieur était pire encore: Il était dissimulé, peureux, menteur, méchant, avare. Il est vrai que ce dernier défaut fait ajouter à Lavisse que Louis XI "eut le mérite de ne pas faire de grandes dépenses en fetes et en batailles". (On sent le regard sévère du juge de l’Histoire qui se pose sur Louis XIV, ce roi orgueilleux et dépensier.) Quant aux ennemis de Louis XI, les raffinements de la vengeance et de la cruauté leur étaient réservés, à commencer par les "fillettes de Louis XI", ces fameuses cages de fer où l’on ne pouvait se tenir debout et où l’on mourait à petit feu... Pauvre Louis XI qui aura du attendre notre époque et un historien anglais (Paul Murray Kendall) pour etre réhabilité au tribunal de l’Histoire. Parmi les rois bien vus, Charlemagne «le premier de nos rois qui encouragea les Sciences et les Arts », et Henri IV avec sa poule au pot, se detachent nettement. Les jeux de l’oie anciens ne sauraient donc se distinguer par leur anticonformisme, pas plus que l’Histoire officielle qui constamment les a sous-tendus. Il ne s’agit pas tant de savoir et de comprendre, mais de dégager les leçons des grands événements et des personnages célèbres de notre Histoire de France (préface de Lavisse). Aux origines, nos ancetres les Gaulois qui étaient intelligents et braves mais dont l’indiscipline permit la victoire des Romains. (Or "il ne suffit pas qu’un soldat soit brave, il faut qu’il obéisse aux ordres de ses chefs", ajoutait le Lavisse.) A l’autre bout, la République, qui "depuis 1870, nous a donné les libertés, a fait faire de grands progrès à l’éducation nationale, protège le travail et les travailleurs, qui est pacifique et ne menace personne mais qui après avoir refait la puissance militaire de la France (nous sommes en 1912) a la force et la volonté de défendre nos droits et notre bonheur ". L’époque de création des jeux de l’oie de l’Histoire de France conditionne étroitement non seulement le contenu affectif et politique des légendes de chaque vignette, mais aussi le choix et les omissions. Ainsi le "Jeu de l’Histoire de France", édité en 1837, avec 52 cases sur 63 représentant des événements antérieurs à François l.er, atteste l’engouement de l’époque pour le Moyen Age, des Récits des Temps Mérovingiens d’Augustin Thierry au Notre-Dame de Paris de Victor Hugo. Tandis que les XVIIe et XVIIIe siècles n’y obtiennent que quatre cases et une erreur (Louis XV présent à la bataille de Fontenoy), les plus minimes épisodes médiévaux y sont mentionnés, constituant par exemple la répudiation d’Ingeberge en épisode historique digne de mémoire. Quant à la case 63, elle associe en une continuité moins paradoxale qu’il n’y parait: Napoléon, Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe. N’y voit-on pas en effet Marengo justifier la conquete de l’Algérie ? Mais sur l’Arc de Triomphe qui couronne ce premier empereur et ces trois derniers rois, cette France qui trone, toute auréolée de drapeaux, n’est-ce pas déjà la République? Vue de l’étranger, l’Histoire de France peu passer sans transition de la surreprésentation glorificatrice à la rétention hostile ou méprisante. En 1814 parait à Londres le "New Game of Universal History and Chronology", énorme jeu de l’oie à la dimension de l’histoire universelle, avec pas moins de 138 cases (au lieu des 63 cases habituelles). Alors que la Bible, l’histoire des découvertes, et bien entendu celle de l’Angleterre y occupent la plupart des médaillons, la France n’apparaìt que cinq fois: Pharamond, Hastings (sans autre précision), le massacre de la SaintBarthélemy, l’exécution de Louis XVI et de Marie-Antoinette, et Napoléon couronné par le Pape (nous sommes en 1814). C’est dire que les jeux de l’oie nous interpellent par-delà les siècles pour nous raconter une Histoire de France à leur façon. Jeux de l’oie délibérément historiques qui établissent la galerie, cotée comme un guide Michelin, des souverains, mais aussi jeux de l’oie de propagande ou de critique d’un fait marquant, jeux de l’oie pédagogiques, jeux de l’oie publicitaires, nous ne sommes pas les premiers à vous avoir constitués en objet de savoir. Déjà Le Journal Illustré en faisant paraìtre dans son numéro du 3 janvier 1892 un jeu de l’oie de l’Alliance franco-russe, soulignait que "tous les grands faits historiques ont servi de thème aux combinaisons de ce jeu que nul n’ignare, et l’on peut aller jusqu’à dire qu’aucun de ces faits ne vivra dans la mémoire des hommes, s’il n’a été jeu d’oie. En tous les temps, on s’est avisé d’enfermer dans les cases symboliques ce qui frappait l’imagination, ce qui méritait de prendre place dans nos annales, la vie de nos grands souverains, les exploits de nos guerriers illustres, les découvertes de la science."

 

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